Le drame des enfants soldats

Ils combattent comme des soldats et meurent comme des enfants. Pourquoi les enfants soldats doivent-ils figurer à l'agenda de sécurité ?

Le mercredi 12 octobre 2011, DEI-SI a pris part à une table ronde sur le problème des enfants soldats, soulignant la raison pour laquelle ces derniers devaient figurer à l'agenda de sécurité. Cette table ronde a été organisée par l'Institut des Nations Unies pour la Formation et la Recherche (UNITAR).

Autour de cette table étaient assis le lieutenant général Roméo Dallaire, Sénateur et ancien commandant des forces de la Mission d'assistance des Nations Unies au Rwanda (MINUAR) ; Elizabeth Decrey Warner, présidente et co-fondatrice de l'Appel de Genève ; et Simon Hug, Directeur du département de science politique et relations internationales de l'Université de Genève.

On estime que, ces dix dernières années, deux millions d'enfants ont perdu la vie dans des conflits, six millions ont été grièvement blessés ou handicapés à vie et plus de vingt millions ont été déplacés, au sein même de leur pays ou vers l'étranger, à cause d'une guerre. De plus, parce qu'ils ont été chassés de chez eux, des millions d'enfants ont été victimes de violences sexuelles, ont souffert de traumatismes psychologiques graves, de malnutrition ou de maladies, pour ne citer que quelques exemples. A cause des conflits qui touchent leurs pays, les enfants sont privés de leurs systèmes de soutien, ce qui accroit ces problèmes. Aujourd'hui, nous apprenons que ces problèmes sont accrus par de nombreux facteurs, comme les recrutements forcés par des groupes de rebelles et par des forces armées.
Certains enfants sont utilisés par des commandants pour combattre sur les lignes de front, tandis que d'autres sont utilisés pour assurer des fonctions de soutien.

Dans son dernier ouvrage intitulé They Fight Like Soldiers, They Die Like Children (Ils Combattent Comme Des Soldats et Meurent Comme Des Enfants ) paru en 2010, le Lieutenant-General Roméo Dallaire offre une introduction choquante au phénomène des enfants soldats, et apporte des solutions passionnantes et concrètes pour éradiquer la formation et l'entrainement des enfants soldats. Il énumère les nombreuses raisons qui expliquent pourquoi les enfants sont devenus des armes de choix dans les conflits du monde entier et sont utilisés aussi bien par les gouvernements que par les entreprises criminelles. Comme Dallaire le dit : « Les enfants soldats matérialisent le rêve de tout commandant : ils constituent le parfait système d'armement de faible technologie, bon marché et expansible qui peut se perpétuer à l'infini. »
Il donne la même définition d'enfant soldat que celle que l'on retrouve dans les Principes de Paris : « Un enfant associé à une force armée ou à un groupe armé. » En d'autres termes : toute personne âgée de moins de 18 ans qui est ou qui a été recrutée ou utilisée par une force armée ou ungroupe armé, quelle que soit sa fonction. Cette définition, très large, comprend les enfants, garçons ou filles, utilisés comme combattants, cuisiniers, gardiens, messagers, espions ou à des fins sexuelles. Un enfant soldat n'est donc pas juste un enfant qui prendrait directement part, ou qui aurait pris directement part, aux hostilités.

Dallaire a également eu à coeur de mettre en lumière l'aspect du problème le plus négligé : les filles comptent pour 40% des enfants soldats de par le monde et sont aussi bien utilisées dans les combats traditionnels que dans des fonctions informelles où elles jouent un rôle de gardiennes, esclaves sexuelles ou « récompenses » pour les soldats. Parfois, les enfants issus du viol des soldates servent à remplir les rangs des milices et des armées de rebelles. Ces enfants sont nés de la torture et élevés dans la violence.
Dallaire ajoute que les programmes pour le DDR — Désarmement, démobilisation et réinsertion — devraient comprendre deux « R » de plus ; un pour le rapatriement et un pour la réinstallation. Selon lui, aucun progrès ne sera envisageable tant que les gouvernements ne tenteront pas de prévenir de manière régulière ce genre de recrutements, tant qu'il n'y aura pas plus d'offres d'emplois et de formations professionnelles pour ces jeunes et tant que les politiques publiques et les médias ne s'intéresseront pas au problème des conflits prolongés. Il insiste sur le fait qu'une formation est nécessaire : aucun mécanisme national ou régional n'a proposé de politique efficace et cohérente permettant de s'occuper des enfants soldats dans les opérations de paix complexes. Cette formation doit comprendre : la recherche, la capacité de construction, la promotion et la sensibilisation.
D'après Simon Hug, les enfants soldats sont utilisés lorsqu'il y a un manque général de sécurité et qu'il existe toute sorte de problèmes difficiles à percevoir. En outre, les camps de réfugiés établis dans des zones de conflits restent des zones de recrutement pour les acteursnon gouvernementaux. Les problèmes de sécurité sont donc la cause principale de ce problème.

Mme Elisabeth Decrey Warner fait remarquer que les enfants, de par leur développement physique et mental, sont particulièrement vulnérables aux effets des conflits armés. A cause de ces conflits, les enfants finissent par être séparés de leurs auxiliaires de vie et, parfois, leurs études sont interrompues. De plus, comme cela a été observé dans beaucoup de cas, les enfants sont moins capables d'endurer des traumatismes physiques et mentaux.
L'un des problèmes majeurs réside dans le fait que les enfants peuvent être recrutés par des forces armées ou des groupes armés non gouvernementaux. Certains de ces enfants rejoignent ces groupes armés pour échapper aux difficultés qu'ils rencontrent. Par exemple, ils ne peuvent pas satisfaire leurs besoins primaires, ou ils veulent échapper aux relations qu'on les oblige à avoir. D'autres rejoignent ces groupes parce qu'ils veulent assouvir une soif de puissance, ou parce qu'ils veulent venger la perte d'un ou plusieurs des membres de leur famille. D'autres encore s'engagent parce qu'ils sont élevés dans des familles dont certains membres font parties des groupes armés non gouvernementaux, ou parce qu'ils vivent dans des communautés où la distinction entre combattants et civils n'est pas bien définie.

La sécurité des personnes est un autre problème. Pour pouvoir mettre un terme à cette chaîne de violence sans fin qui caractérise les communautés frappées par une guerre, il faut maintenir les enfants à l'écart des conflits. La grande majorité des conflits armés qui se déroule en ce moment impliquent des groupes armés non gouvernementaux. Ces derniers recrutent encore beaucoup de garçons et de filles pour les utiliser dans des conflits armés alors que les Etats violent de moins en moins les lois. Les groupes armés non gouvernementaux constituent donc une partie du problème. L'un des objectifs de l'Appel de Genève est de s'assurer que ces groupes armés deviennent une partie de la solution.

Ces dernières années, les lois internationales se sont étendues pour reconnaître la vulnérabilité des enfants. Le droit international humanitaire et la loi internationale des droits de l'homme offrent une protection toute particulière aux enfants vivant en situation de conflits armés. Ces lois interdisent qu'on enrôle les enfants ou qu'on leur fasse prendre part, de quelque manière que ce soit, aux hostilités. Le cadre légal international ne permet pas aux groupes armés non gouvernementaux de devenir signataires de traités internationaux.

Par conséquent, même s'ils disent vouloir respecter les normes visant à protéger les enfants dans les conflits armés, ils ne peuvent pas négocier ou contester des décisions prises au niveau international en se raccrochant à des lois déjà existantes.


Source : Bulletin de DEI (Défense des enfants International) de novembre 2011